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Zurinka

Un conte écrit par Alina Nelega, traduit par Iulia Tudos Codreanca, illustré par Liviu Boar

Il était une fois un très beau pays qui s’appelait le Pays Arrom. Sur ce pays régnaient l’empereur Zoralio et l’impératrice Luludia. Mais la sorcière Jungalia avait vendu son âme au diable en échange d’un miroir magique. Avec ce miroir, la sorcière voyait tout ce qui se passait dans le monde et voulait régner sur le Pays Arrom.

Zoralio, qui était lui aussi sorcier, jeta un charme au pays Arrom et le rendit invisible. Les gens ne pouvaient s’y rendre qu’en rêve et seulement s’ils aimaient, c’est ni  dire s’ils avaient un cœur. Quant ni  Jungalia, elle s’enfuit très loin, dans le Pays Aver, où elle se cacha sous le lit du prince Gunjar, qui tomba aussitôt malade.

Après un temps, le pays Arrom, qui était tout petit, devint trop étroit pour les enfants de l’empereur Zoralio. Celui-ci les aimait tous autant qu’ils étaient, grands, petits, plutôt noirs ou plutôt blancs, travailleurs ou fainéants – mais celle qu’il aimait par-dessus tout c’était sa fille aînée, Zurinka. Zurinka était grande et mince, avait les cheveux longs, bouclés, des yeux étincelants comme deux étoiles, lumineux et plein de vie, les dents blanches comme des perles et la bouche rouge comme l’amour véritable. Elle était gaie, gentille, généreuse et douce.

De plus, c’était la plus fameuse chanteuse et danseuse de tout le Pays Arrom et, par-dessus tout, c’était aussi une sorcière.

Un beau matin, Zoralio rassembla ses enfants et leur a dit :

- Chej bari mure, chave muri, mes princesses et mes princes ! Le Pays Arrom n’est plus assez grand pour vous ; allez donc dans le grand monde et, selon vos cœurs et vos natures, trouvez-vous une place. Dispersez-vous et soyez utiles aux gens, remplissez la terre de vos dons, soyez bons, joyeux, chérissez la vie et jouissez-en ! Et si jamais vous vous retrouvez dans le pétrin et que vous n’avez pas où vous abriter, couchez-vous par terre, rêvez et nous nous reverrons. Mais sachez qu’une fois revenus dans le Pays Arrom, vous ne pourrez en repartir qu’emportés par l’amour véritable, par-dessus l’arc-en-ciel ! 

Clest ainsi que les enfants de Zoralio et de Luludia se répandirent dans le monde ; ceux qui aimaient travailler l’argent, conduits par Rupi et ceux qui aimaient travailler l’or, conduits par Sumnakal, sont devenus des maîtres ciseleurs. Dlautres, qui aimaient le feu et les couleurs vives, se sont joints ni  Carros, le chaudronnier et ont nourri le monde dans leurs marmites. Ceux qui aimaient la liberté, les forêts fraîches et les pleines immenses, ont choisi comme chef Grastinel et ils sont devenus des marchands de chevaux et des rouliers, quant ni  ceux qui ne savaient que jouir de la vie, ils ont commencé ni  sillonner les routes, ni  s’installer en bordure des cités et ni  divertir les gens avec leurs danses et leurs chants. Clest avec eux que partit Zurinka, la bien-aimée fille de l’empereur Zoralio.

Entre temps, dans le Pays Aver, le prince Gunjar s'affaiblissait rapidement, car la sorcière Jungalia, cachée sous son lit, le torturait toutes les nuits. Elle entrait dans ses rêves, le fouettait et le griffait, essayant de lui faire trouver le chemin vers le Pays Arrom. Mais elle n’y arrivait pas, car le prince n’avait pas connu l’amour.

En arrivant lí -bas, les fils et les filles de Zoralio, accompagnées par Zurinka, s’installèrent aux bords de la cité, montèrent leurs tentes et leurs chariots, firent du feu et commencèrent ni  faire la fête.

Depuis la fenêtre de Gunjar on entendait bien la musique de la tribu Arrom. Le prince sentait son cœur battre de plus en plus fort et il fut gagné par un désir mystérieux qu’il n’avait jamais encore ressenti. Il s’enveloppa dans sa cape la plus noire et s’en alla vers les limites de la cité. En se cachant derrière les arbres pour mieux voir ce qui se passait, il tomba dans un buisson d’orties et poussa un cri de douleur. Aussitôt, les musiciens l’entourèrent avec leurs couteaux tirés.

- Ne le tuez pas, cria Zurinka, je veux voir son visage. Qulest-ce que tu faisais lí  ? demanda-t-elle simplement.

- J’essayais de danser sur votre musique, répondit le prince, honteux d’avoir été pris pour un voleur quelconque.

- Ah, bon ? Dit Zurinka en riant. Vas-y donc, danse, pour que nous puissions voir ça ! Et vous – dit-elle en se tournant vers les musiciens – jouez ! 
Gunjar fit quelques pas de danse, mais Zurinka s’approcha de lui et lui dit :

- Pas comme ça. Tiens-toi droit. Voilí , comme ça ! Et ils se mit alors ni  danser avec les yeux rivés sur elle, quant ni  Zurinka, elle ne pouvait pas non plus détacher son regard du prince.

Ils s’amusèrent ainsi jusqulau matin, mais juste avant le lever su soleil, une terrible tempête éclata. Clétait Jungalia qui s’était aperçue que le prince n’était pas dans son lit. Les musiciens s’éparpillèrent, alors Zurinka attrapa la main de Gunjar et ils s’enfuirent dans la forêt où se trouvaient les chevaux de Grastinel et lí , ils enfourchèrent Balval, le plus rapide d’entre tous.

Suivis pas Jungalia, ils arrivèrent chez Carros, où ils reçurent en cadeau un chaudron en cuivre. Zurinka le jeta par-dessus l’épaule et il se changea aussitôt en une grande étendue d’eau. La sorcière nagea ni  leur poursuite en tenant soigneusement son miroir contre sa poitrine.

Les jeunes gens arrivèrent ensuite chez Rupi, qui leur donna un peigne en argent. Zurinka le jeta par-dessus son épaule et il se changea aussitôt en une forêt d’épines hautes jusqulau ciel. Jungalia la traversa en s’arrachant toute la chair des os. Il n’en resta qu’un squelette qui tenait un miroir bien serré contre la poitrine.

Nlayant nulle part où fuir, Zurinka et Gunjar se couchèrent dans l’herbe haute où ils s’endormirent, et puisque Gunjar avait trouvé l’amour, ils rêvèrent ensemble et ils pénétraient ainsi dans le Pays Arrom pour retrouver l’empereur Zoralio et l’impératrice Luludia. Jungalia, qui voyait dans son miroir magique tout ce qui se passait, fut folle de joie et rentra en riant et en ululant dans le rêve du jeune prince Gunjar. Elle se montra devant Zoralio sous l’apparence d’un diable aux yeux de flammes et se jeta sur l’empereur.

Il s’ensuivit un combat ni  mort. Jungalia brûla tout sur son chemin mais Zoralio fit un signe et la pluie tomba. Jungalia lança une vague de brouillard qui assombrit tout le Pays Arrom, mais Zoralio apparut ni  cheval sur le croissant de lune et chassa le brouillard. Alors Jungalia se transforma en Zoralio et on ne sut plus qui était vraiment qui. Mais pour cela elle fut obligée de poser un instant son miroir magique. Le vrai Zoralio s’empara du miroir, il y enferma Jungalia et le jeta au fond du ciel, caché dans l’arc-en-ciel. De nos jours, on peut encore apercevoir la sorcière se débattre, mais elle ne peut plus faire de mal ni  personne, car elle n’a plus aucun pouvoir.

Heureux, Zurinka et Gunjar retournèrent dans le monde des hommes, en marchant sur l’arc-en-ciel, puisqulils étaient guidés par l’amour véritable. Quant au Pays Arrom, on en entend parfois parler comme d’une contrée merveilleuse, aux montagnes hautes et aux fleuves profonds, surmontée par un arc-en-ciel lumineux et gouverné par un grand empereur sorcier et une très belle impératrice : Zoralio et sa bien-aimée Luludia.