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L'histoire de l’alphabet

Un conte écrit par Alina Nelega, traduit par Iulia Tudos Codreanca, illustré par Liviu Boar et Faluvégi Zsolt

Il était une fois… Chers enfants, cette histoire s’est passée dans notre école et ses héroïnes sont deux fillettes de Ière1. Clest impossible que vous ne sachiez pas où se trouve la salle de c’asse des premières : elle est au deuxième étage, juste au-dessus du bureau de la direction. Je crois que vous connaissez très bien Emma et Ella, les deux sœurs jumelles assises dans le troisième pupitre dans la rangée du milieu. Mais qui ne les connaît pas ! Elles jouent toute la journée : sautent ni  la corde, dessinent des marelles sur le trottoir avec la craie du tableau noir qu’elles mettent en douce dans leur poche – c’est pour ça qu’il n’y en a jamais ! - … grimpent aux arbres, tirent les oreilles des chiens… Il est impossible que des petites-filles aussi remuantes passent inaperçues. Remuantes, mais très mignonnes finalement, pour tout vous dire…

Bien qu’elles soient jumelles, elles se distinguent un peu tout de même : Emma a les yeux bleus-verts et vingt taches de rousseur, quant ni  Ella, elle a les yeux verts-bleutés et seulement dix-neuf taches de rousseur. Vous voyez donc qu’elles sont assez dissemblables en fin de compte.

Le jour où se passait cette histoire, Emma et Ella avaient ni  lire un mot – un mot simple et même… savoureux. Alors, elles commencèrent avec l’aide de monsieur l’instituteur.

- P-O-M-M-E-S

-Ppp…Ooo…Poo…

- Oui? 

- Poo…Poo…Hi, hi, hi !- Emma, Emma, Emma, Emma. Tu n’es pas du tout

concentrée. Ella, répète après moi, P-O-M-M-E-S.

- Pooo… Pooo…Meuh… ha, ha !

- Ah, les filles!

-  Nous ne savons pas lire et nous ne voulons pas apprendre ! 

- Pourquoi ça ?

- Moi, j’aime mieux jouer ni  la poupée.

- C'est bien, mais il faut aussi apprendre l’alphabet.

- Et moi, ce que j’aime le plus c’est jouer ni  la balle !

- C'est très bien, mais l’alphabet est également très important. 

- Ah, bon ? Mais ni  quoi nous servent-elles toutes ces lettres ? Elles sont tellement ennuyeuses, et désagréables.

Et monsieur l’instituteur n’eut pas le choix. Il dut les laisse jouer. Toute la journée. Jusqu'au soir. Pendant qu’elles sautaient ni  la corde, les filles chantaient une chanson de leur invention qui sonnait ni  peu près comme ça :

Un, deux, sept, trois, 
A l’école nous n’allons pas,
Pique et pique et piquera
Llécole, nous n’aimons pas ça.
Nous jouons toute la journée, 
Nous ne voulons rien savoir
Nous jouons l’hiver et l’été
Du matin et jusqulau soir.

- Ah, je suis fatiguée ! Regarde, le soir est tombé.

- Moi aussi j’ai sommeil.

Emma et Ella s’endormirent, fatiguées d’avoir autant joué. Elles ne savaient pas que sans les lettres, le monde courait un grand danger. Les lettres sont partout, nous ne pouvons rien faire sans elles. Sans elles il n’y aurait plus de cartes postales, parce qu’il n’y aurait plus d’adresses. Nous confondrions les pots de confiture car il n’y aurait plus d’étiquettes. Nous ne saurions même plus qui nous sommes, car nos noms s’écrivent également avec des lettres. Il n’existerait plus d’argent, parce que lí  aussi on utilise plein de lettres ; nous pouvons même dire que l’argent est fait de lettres. Mais le plus triste de tout ça, c’est qu’il n’y aurait plus de livres. Ni films, ni ordinateurs, ni panneaux de signalisation, rien, plus rien ! Le monde, chers enfants, est fait tout entier de lettres

Et l’un des endroits où elles se rassemblent, c’est le manuel de lecture. Or, vous comprenez, mes petits, les lettres avaient entendu tout ce qui s’était passé et elles étaient plutôt fâchées. Alors elles décidèrent de donner une leçon aux deux fillettes et se glissèrent doucement dans leur rêve. Car, j’ai oublié de vous dire que, puisqulelles étaient jumelles, Emma et Ella faisaient toutes les deux le même rêve.

Clest ainsi qu’Emma et Ella se retrouvèrent au bord d’un lac où péchait un vieillard très rouspéteur qui s’appelait Bougon. Mais au lieu de prendre des poissons, il n’attrapait que des lettres. Au-dessus de lui, dans le ciel, volaient plein de lettres. Et sur le chemin, au lieu des gens et des animaux, se promenaient toutes sortes de lettres : plus grandes, plus petites, italiques ou aldines, d’imprimerie ou manuscrites. On ne pouvait pas passer parmi elles si on ne les appelait pas par leur nom. Mais Emma et Ella ne les connaissaient pas toutes et si elles voulaient rentrer ni  la maison, elles n’avaient pas le choix : il fallait qu’elles traversent le lac. Et Bougon leur dit que si elles reconnaissaient les lettres qu’il pêchait, celles-ci allaient les transporter sur l’autre rive. Alors Ella et Emma commencèrent

- C'est la lettre C.

- Oui, comme cabane ! cahier, coq, croissant.

- Non, ça ne suffit pas. J’en pêche une autre.

- Vas-y.

- Ça mord, ça mord !

- Et hop ! Ça, c’est R, comme roue, raton, réveil.

- Nous en voulons encore, vas-y, pêche ! Encore une !

- Ah, mais ça c’est A, comme avion, aile, ami.

- Encore une fois ! 

- Et ça c’est E, comme élan, épi, école.

Mais Emma et Ella ne surent pas quelle était la dernière lettre de Bougon, celle qui manquait dans le mot, alors personne ne leur fit traverser le lac. Car on ne pouvait pas dire que les lettres C, A, R et E, formaient un vrai mot, n’est-ce pas ? Soudain, au-dessus de leurs têtes apparut un grand oiseau. 

- Un pélican…

Très rapidement, les fillettes comprirent que le pélican représentait la lettres P et que son plat favori c’était le poisson. Donc, elles collèrent les lettres que Bougon avait pêchées, les lurent ensemble et alors, une CARPE énorme sortit des ondes et invita Emma et Ella ni  monter sur son dos pour leur faire traverser le lac.

Elles dirent au revoir ni  Bougon, qui était en réalité la lettre B incognito et au pélican Gaston qui était en fait la lettre P déguisée, et partirent.

Une fois arrivées sur l’autre rive, les filles aperçurent au loin une petite maison sur la porte de laquelle on avait écrit avec des grosses lettres qu’elles connaissaient déjí  : Sortie du Rêve pour Emma et Ella. Le Mot de Passe est l’Alphabet.

« Comment… ? », se demandèrent les filles. « Il faudra… que nous récitions l’alphabet… par cœur ? Nous n’allons jamais y arriver » se dirent-elle tristement… Mais elle n’eurent pas le temps de se mettre ni  pleurer, car de derrière les volets, de tous les coins et recoins sortirent leurs amies, les lettres qui se mirent ni  chanter la chanson de l’alphabet

A, c’est un petit soldat
B, est un papy ventru
C est une question tordue
D, la moitié d’un cachet
E, c’est un élève bavard
F c’est E sans un pied
G est un matou replet
H, le huitième de la bande
Llalphabet est notre maison
Dans des mots nous nous assemblons
Aux enfants, lire et écrire nous apprenons

 

Et ainsi, en chantant avec les lettres, Emma et Ella poussèrent doucement la porte de la maisonnette et sortirent de leur rêve… dans notre monde, dans leurs petits lits, exactement quand le réveil se mit ni  sonner, comme chaque matin, ni  sept heures. L’heure d’aller ni  l’école.

A la grande surprise de monsieur l’instituteur, ce jour-lí , Emma et Ella surent toutes les lettres de l’alphabet et lurent le mot sans bafouiller…

- P-O-M-M-E. Pomme !

- Bravo les filles, c’est merveilleux. Je vois que vous êtes devenues amies avec toutes les lettres.

- Oui.

- Et alors ? Clétait si difficile que ça ?

- Non, non.

- Bien sûr que non ! Avec un peu d’effort et un peu d’aide, vous avez réussi. 

- Oui !

- Bien sur que oui ! Le monde, mes enfants, est tout entier fait de lettres.

Emma et Ella savaient déjí  que le monde tout entier était fait de lettres. Qui n’étaient plus ni ennuyeuses, ni désagréables. Elles étaient leurs amies.