"/> ">

La polenta de la mariée

Un conte écrit par Mediana Stan, traduit par Iulia Tudos Codreanca, illustré par George Moldovan.

Le village s’appelait Porumbani et il était établi dans une vallée formée par plusieurs collines rondelettes, ce qui permettait aux habitants de voir paître leurs bêtes sur les cimes en éperonnant le soleil de leurs cornes tortueuses. J’arrivai le soir dans la maison où j’étais attendu. Les bufflonnes revenaient du pâturage et remplissaient les vastes enclos. Dans toutes les fermes, l’agitation battait son plein ; on désaltérait les bêtes et on préparait le souper. Je rentrai et j’attendis qu’ils finissent d’abreuver le troupeau. Quand les animaux eurent enfin disparu dans les étables, la fille aînée, une créature aux cheveux ternes, décharnée et raide, vint m’apporter une cruche d’eau. J’étais échauffé par mon voyage et je sentais mes lèvres craquelées par la soif. Je vidai la cruche d’une traite et j’en demandai une autre.

Elle allait partir me la remplir, quand le maître de céans, le père de la fille, un bonhomme grand comme une montagne, avec une peau qui semblait cuite au four et des moustaches fauves, lui grogna : 
- Ramène un seau de lait, va ! La fille se dirigea vers le fond de la cour – lí  où toute la famille était en train de traire dans les étables, et revint fissa avec un seau de lait. Elle voulut m’en verser dans la cruche, mais moi, je n’en pouvais plus – j’attrapai le seau, je le portai ni  ma bouche et je bus goulûment en en mettant la moitié sur ma chemise.

 Puis, je le reposai sur la table qui se trouvait dehors, je respirai un bon coup et je le repris pour le vider. Je m’essuyai la bouche avec une serviette et remerciai respectueusement. 

- A la tienne, mon garçon, grommela mon hôte en regardant le seau vide. Après quoi, il me demanda quel vent m’emmenait dans le coin, comme s’il ne le savait pas. Je lui dis que je cherchais une épouse, parce que j’avais entendu que le village regorgeait de belles filles travailleuses. 

- Clest bien vrai, me dit-il. Dlailleurs, l’une d’entre elles se trouve être ma fille aînée, que voici. Vu qu’elle est plutôt fière et qu’elle a refusé tous les garçons qui me l’ont demandée jusque lí  – et il y en a eu des tas, je peux te le dire! – parce qu’aucun n’était suffisamment beau et intelligent, elle est encore demoiselle et légèrement montée en graine, mais ce n’est pas grave, les fleurs sont plus jolies quand elles sont bien épanouies, n’est-ce pas ? Hi, hi !

Je remuai la tête pour acquiescer, tout en regardant son laideron. Le soir tombait. Au loin, les collines semblaient plus hautes et plus serrées autour du village, comme des apparitions noires qui avaient rapproché leurs têtes pour se raconter des secrets.

La cour ronde, enclose avec des madriers, était couverte de flaques fumantes d’urine de bufflonne. Les commis ramassaient les bouses et les portaient avec des brouettes ni  la fosse, au fond du jardin. Il flottait dans l’air une forte odeur de fumier, d’étable et de fumée. Deux filles, vraisemblablement les sœurs cadettes, me conduisirent dans une pièce en me bousculant, soi disant ni  cause du noir, allumèrent ma lampe et se mirent ni  déplier et ni  secouer des draps en s’esclaffant. Je les laissai faire et je sortis me laver ni  la fontaine. Je tirai un seau d’eau et je me le vidai sur la tête. Je me nettoyai et me rafraîchis ni  merveille, après quoi je me séchai avec la serviette, mais quand je voulus enfiler mes socques que j’avais laissées un peu ni  l’écart pour ne pas les mouiller, je glissai et me retrouvai soudain ni  patauger dans une mare de boue gluante et froide. Je me débattis pour me dégager, je criai au secours, mais personne ne sortit de la maison éclairée. Tout ni  coup j’aperçus juste ni  côté de moi deux yeux globuleux et je sentis une haleine forte – c’était une bufflonne qui prenait son bain de boue et qui, d’après son mugissement étouffé, ne paraissait pas du tout contente que je le partage avec elle.

Je recommençai ni  m’égosiller et la vilaine fille pas mariée sortit de la maison et me dit en rigolant :

- Nlaie pas peur, embrasse-la et elle te laissera sortir sans dommage !
Je n’arrivais pas ni  en croire mes oreilles. Je la regardai, je regardai la bufflonne…

- Tout de même, je préférerais t’embrasser toi, plutôt qu’elle ! 

- Ben, ça ne se fait pas, me répondit-elle en se dandinant d’une jambe sur l’autre et en entortillant son tablier. Et puis, ce n’est pas avec moi que tu partages la gadoue…

La bufflonne avait un regard torve et pinçait ses grosses lèvres baveuses. Mon Dieu, que faire ? Je tentai de m’enfuir mais je ne réussis qu’í  m’enliser davantage. La bestiole avait abaissé ses cornes qui se rejoignaient au milieu du front et poussait des mugissements courroucés.

Jlignore ni  quel moment je l’embrassai et comment je me tirai de lí . Je recommençai mes ablutions, avec précaution, pour ne pas retomber dans la mare et, ni  vrai dire, je réussis juste ni  faire choir mon savon dans le puits. Au moment où j’enfilais mon pantalon, j’avisai dans la pénombre une forme blanche, sûrement l’une des filles, peut-être même la moche, qui était restée dans la cour et me lorgnait dessus.

Hm ! Je rentrai dans ma chambre et, peu de temps après, la maîtresse de maison arriva pour m’inviter ni  table. Clétait une paysanne noiraude qui marchait pieds nus – elles avait de gros paturons épais – et qui rangeait et époussetait sans cesse autour d’elle. Elle m’accompagna dans une vaste cuisine. Deux filles se tenaient debout devant les fourneaux et mélangeaient vivement, avec un bâton, dans un chaudron géant où la polenta cuisait en faisant des bulles, pendant que la maîtresse de maison posait sur la table ni  trois pieds des écuelles remplies de beurre et de fromage de bufflonne. Toute la famille se rassembla pour se mettre ni  table ; ils étaient ni  peu près vingt, en comptant les commis. Les filles renversèrent la polenta rousse – aussi grosse qu’une roue de chariot – sur une planche en bois posée au milieu des convives.

Llaînée pas belle était invisible, mais j’observai qu’il y avait ni  table plusieurs jolies filles, dont une qui était vraiment ni  mon goût. Le père attrapa une ficelle et se mit ni  découper la polenta en tranches pour tout le monde.

Pour m’amuser un peu après ma frayeur avec la bufflonne, je lui demandai hypocritement où se trouvait son beau brin de fille, parce que je ne l’apercevais nulle part.

- Ma fille, me répondit-il, est très délicate pour ce qui est de la nourriture et plutôt timide, alors quand elle flaire les prétendants, elle se retire – chose rare pour une fille aussi belle, qui aime se faire remarquer…

- A-ha, fis-je, et la figure menaçante de l’homme qui me parlait m’aida ni  réprimer un sourire.

- A la tienne, mon gaillard, dit-il en levant son gobelet pour le boire cul-sec. Que tu puisses trouver ta promise ! Et qui sait, peut-être que ma fille aînée se trouvera un mari, elle aussi…

- Dieu… et j’allais dire « nous en garde », mais je m’étranglai ni  temps et je dis « vous entende » !

Je bus moi aussi mon verre cul-sec et je commençai ni  manger. En levant la tête, je remarquai que ces demoiselles se donnaient du mal pour étouffer leur rire en serrant les dents et en piquant du nez dans l’assiette.

La tradition voulait qu’au solstice d’été, les filles ni  marier du village fassent une polenta et la posent sur une table installée sur la place du village. Les prétendants venaient et choisissaient une polenta, selon son aspect ou selon son goût, puis ils épousaient la fille qui l’avait faite. Les candidats arrivaient de villages éloignés pour prendre épouse ni  Porumbani.

Jlétais un jeune homme très vétilleux dans ma quête d’une épouse. En voyant passer les années sans que mes yeux s’arrêtent sur une seule fille, ma mère m’avait envoyé ni  Porumbani, en me disant que puisque je ne pouvais pas choisir, le sort allait s’en charger pour moi. Ma mère avait raison ni  sa façon et savait, qui plus est, que tous les mariages conclus ni  Porumbani étaient bénis et qu’aucun mari et aucune femme ne s’était jamais plaint de sa moitié.

Il fallait que je les aide aux travaux, alors je demandai ni  emmener paître les animaux. On me confia les bufflonnes et les chèvres. Je regardai avec inquiétude après la bête du bourbier, mais elle n’était pas parmi les autres.

Je reçus un sac avec des oignons et de la polenta froide et je grimpai le coteau derrière le troupeau, en compagnie d’un garçon qui devait avoir dans les dix ans et de quelques gros chiens hirsutes. Nous arrivâmes aux herbages et les bufflonnes commencèrent ni  paître, puis, quand le soleil fut monté bien haut, nous descendîmes ni  la rivière qui coulait aux pieds des collines, où les bêtes se désaltérèrent et se vautrèrent dans des bourbiers sur les berges, selon leur manie. Tout ni  coup, je vis le garçon piquer les animaux avec son bâton en marmonnant : « Ah, si vous pouviez vous marier, pour que je sois débarrassé de vous ».

- Le moment venu, elles se marient, elles aussi, avec leurs buffles, dis-je en ricanant.

- Qulest-ce que tu racontes, andouille ? bougonna le garçon sur un ton hargneux copié sur son père.

- Qulest-ce que tu as dit ? m’écriai-je avec colère en l’attrapant par les oreilles. Mais ni  l’instant même, toutes les bufflonnes levèrent le museau de l’eau ou de la vase et s’apprêtèrent ni  venir vers moi. Le moment n’était pas ni  la plaisanterie. Je tapotai la tête de l’enfant et les bêtes se remirent ni  boire, tout en gardant leurs yeux globuleux et malveillants braqués sur moi.

- Dis-moi s’il te plaît, qu’est-ce qui se passe ici ?

Llenfant se tut un certain temps, en me regardant par en dessous aussi méchamment que possible.

- Regarde ce que je te donne, dis-je pour tenter de l’amadouer. Et je sortis de mon giron une petite poule en terre cuite émaillée avec des couleurs vives, je descendis au bord de la rivière, la remplis d’eau et je me mis ni  souffler dedans pour la faire piailler et glouglouter. Clétait au-dessus de ses forces. Il prit la poulette et me confia :

- Les bufflonnes que tu emmènes paître aujourdlhui sont des filles que les villageois ont punies parce qu’elles n’ont pas voulu épouser ceux qui ont choisi leur polenta.

- Et elles n’en font plus ?

- Si, mais elles la font la veille au soir, alors le lendemain leur polenta est froide et dure et c’est rare que quelqulun en choisisse une, car tout le monde préfère les polentas chaudes qui fument encore. Et celles-ci ne se marient plus, c’est leur punition

Donc, cela pouvait également se passer de cette manière ! Nous rentrâmes au crépuscule, avec le troupeau qui nous suivait docilement, sans pour autant cesser de me fixer avec des yeux farouches, et le garçon qui sifflait et glougloutait dans sa poulette, si fort qu’on pouvait l'entendre jusqulí  l’autre bout de la valée. Nous arrivâmes et nous prîmes place ni  table, le garçon tout folâtre et moi tout pensif, ruminant l’histoire avec les bufflonnes pas mariées. 
Le lendemain, les filles ni  marier se réveillèrent avant l’aube et préparèrent leur polenta de noces, comme on l’appelait dans le coin.

Je sortis pour me laver au puits, avec précaution, histoire de ne pas retomber dans la bourbe de la bête. Elle ne semblait pas être lí , mais en avisant de plus près l’étendue de la mare, je crus apercevoir ses cornes qui pointaient.

Je rentrai dans la maison. L’affreuse fille aînée était devant les fourneaux ni  touiller dans son chaudron ; du four sortait une bonne odeur de ragoût et d’herbes inconnues, qui poussaient probablement dans les environs et qui n’étaient connues que des femmes du village. Etrangement, ça me rappelait mon enfance. J’en avais l’eau ni  la bouche. Alors comme ça, la vieille bufflonne voulait se marier ! « Je me demande si ses sœurs font leur polenta. » Je ne les voyais nulle part. Soudain, je fus pris de sueurs froides. Et si je tombais sur la polenta de celle-ci ? Etait-ce possible d’avoir une guigne pareille ? Tout ni  coup, je pensai ni  une chose. Puisqulil y avait des filles qui refusaient des prétendants, il devait bien y avoir des prétendants qui refusaient des filles ! Et s’il y en avait, que leur arrivait-il ? Les filles récalcitrantes étaient changées en bufflonnes. Est-ce que les gars tatillons devenaient des… buffles ?

Je me rendis au village vers midi. Les polentas étaient alignées sur une longue table couverte de napperons brodés et les garçons tournaient autour. Ils trituraient leurs chapeaux entre les doigts, regardaient, goûtaient. Chaque polenta avait un signe quelque part en dessous et ce signe était inscrit dans un livre tenu par le prévôt, par conséquent il n’y avait aucun risque d’entourloupe. En plus de la polenta, les filles avaient préparé des plats qui allaient être mangés avec : du chou farci, du chou sauté, des ragoûts de lapin et de perdrix ; et bien entendu, des gobelets de gnôle.

Jlavais une faim de loup, car les prétendants ne recevaient rien ni  manger ce jour-lí . Je regardai toutes les polentas mais aucune ne se distinguait beaucoup des autres. J’en trouvai quelques-unes unes qui étaient froides et dures, comme l'enfant me l’avait dit, et je compris que ce n’était pas une blague.

Tout ni  coup, je vis un gars prendre une polenta. Aussitôt, la propriétaire se montra et je crus mourir de dépit, car c’était une fille de toute beauté. Un autre gars prit une autre polenta et on lui emmena ni plus ni moins que la jolie sœur de l’affreuse, celle qui m’avait tapé dans l’œil. Mis en rage par la veine des deux autres, j’attrapai moi aussi une polenta et lí , je vis aussitôt arriver mon hôte qui tenait par la main sa vielle guenon. Il me dit : ni  la bonne heure, mon garçon ! Pendant ce temps, la mocheté me souriait de toutes ses longues dents plantées de travers et arrangeait – avec de ces manières, tudieu ! – sa maigre chevelure lavasse.

Je crois que mon visage était devenu noir. L’homme s’écria :

- Voilí  la merveille ! Ce n’est pas pour rien que tu as attendu tout ce temps avant de te marier et que tu as battu un si long chemin pour venir jusqulici.

Mais comme je me taisais et que je la regardais d’un air ahuri, il me demanda :

- Tu as des objections ?

- Ouuu…nnnon, bredouillai-je.

- Alors ?

- Je suis comblé, elle dépasse mes attentes…

-Haaa, je suis content, dit-il en se frottant les mains. J’avais bien pressenti que tu deviendrais mon gendre dès que tu as passé le seuil de ma porte. Ne t’en déplaise, mais c’est ce qui arrive parfois. J’ai toujours rêvé que ma fille épouserait un homme comme il faut.

Lí , je fus tenté de faire un scandale, de dévoiler aux autres prétendants l’histoire des filles bufflonnes et le danger qu’ils couraient s’ils refusaient l’une de ces demoiselles ; je voulus déclencher une révolte. Mais je dominai mon bouillonnement. Quelque chose en moi me disait d’aller de l’avant, de ne pas attirer sur ma tête un malheur irréparable. J’allais peut-être pouvoir la pousser dans un précipice en route vers la maison, puis entrer dans un monastère sans plus jamais songer ni  me marier, aussi longtemps que je vivrais, pensai-je.

Llaffreuse gloussait et me regardait avec des mines aguichantes :

- Va, mon amour, et cueille-moi de la camomille, car j’adore cette fleur…me dit-elle.

- Tout de suite, mignonne ! Je sifflai mon cheval mais on ne me laissa pas le monter ; on me donna un de leurs chevaux. Je me jetai en selle et je galopai ni  bride abattue vers les collines, en pensant que c’était une bonne occasion de tirer mon épingle du jeu. Mais une fois arrivé dans le pré aux fleurs, ce satané cheval me flanqua par terre et me dit en s’ébrouant :

- Dépêche-toi de faire ta cueillette et rentrons, parce que j’ai envie d’une bonne brassée de foin sec !

Il n’y avait rien d’autre ni  faire. Je cueillis un petit ballot de camomille, je remontai en selle et je retournai chez ma promise. Les violoneux chantaient la chanson bien connue des nouvelles épouses : « Tais-toi, mariée, va, ne pleure plus ! » et mon épouvantail s’évertuait ni  larmoyer.

En compagnie des autres nouveaux couples, dans les trente peut-être, nous nous attablâmes pour bien manger et bien boire, pendant que les violoneux jouaient de leurs violons et de leurs mandolines. Puis vint l’heure de la danse et cette saleté de mariée, attifée selon les coutumes de son village, se mit ni  se dandiner avec de drôles de mouvements raides – comme si elle avait avalé un manche qui ne lui permettait pas de se plier normalement – et de temps ni  autre, ni  tournicoter comme une toupie.

Le temps vint de partir. Je croyais qu’on allait lui donner un cheval ni  elle, mais non, il fallait qu’on voyage sur la même bête. Elle dit au revoir ni  sa mère, ni  son père, ni  ses frères, ni  ses beaux-frères, ni  toute sa parentèle et même ni  sa ravissante petite sœur qui s’était mariée en même temps et qui se mordait les joues pour ne pas éclater de rire.

Sur ce, je pris ma délicieuse épouse dans les bras et je la jetai en selle, alors elle se mit ni  crier et ni  se lamenter ni  gorge déployée :
- Père, celui-lí , il ne m’aime pas, regarde comment il me jète sur le cheval !
- Quoi ? s’emporta le père. Pends garde ni  tes manières, mon gendre !
- Ce n’est pas vrai, ma chérie, c’était juste une impression !
- Ce n’était pas une impression, dit le cheval, je l’ai moi-même senti quant il l’a jetée !
- Holí , mon garçon, attends donc un peu ! Mes amis, oyez ! Ce garçon mérite une meilleure épouse. Ramenez-lui donc ce qu’il mérite !

Moi, honteux et malheureux, je ne savais plus où me mettre. Puis, tout ni  coup je vis arriver une foule qui escortait une bufflonne mahousse, grisâtre, avec la peau qui pendouillaient de partout et le museau tout baveux, dans laquelle je reconnus la bête du bain de boue. Mon Dieu ! Elle s’arrêta devant moi et fit c’aquer ses grosses babines d’un coup sec. Le prévôt, avec son livre sous le bras, me demanda :

- Alors, jeune homme, dis-nous, laquelle tu choisis ?

- Je ne veux plus faire aucun choix, je reste avec ma chère épouse, répondis-je en tremblant.

Et je montai derrière la mariée. Quand je voulus éperonner mon cheval, ma belle-mère me cria d’une voix aiguë :

- La bufflonne fait partie de la dot, elle vient avec vous. Nlallez pas trop vite pour ne pas qu’elle se fatigue !

Je savais que la dot allait arriver deux semaines plus tard, alors pourquoi fallait-il que cette bufflonne vienne avec nous ?

- Pas de souci, dis-je.

Nous partîmes au pas, avec la bufflonne qui marchait ni  côté de nous, mais après avoir passé les collines, lí  où plus personne ne pouvait nous voir, je poussai mon cheval et celui-ci se mit ni  galoper comme le vent. J’étais justement en train de penser que je m’étais débarrassé de cet animal hideux quand je sentis une brûlure dans le dos. Je tournai la tête et je vis la bête courir derrière moi, avec ses cornes baissées, sous lesquelles brillaient deux yeux flamboyants comme des braises.

- Clest bon, criai-je, c’est bon, je t’attends et nous y allons ensemble !

La bufflonne ralentit et moi j’arrêtai mon cheval pour faire une pause. Pendant ce temps elle attaqua l’herbe fraîche. La mariée demanda ni  descendre du cheval et se mit ni  gambader. Moi, je les regardais, tantôt l’une, tantôt l’autre et ni  après un moment je trouvai que ma femme était plutôt marrante. A la prochaine halte, après avoir défait la nappe et mangé ensemble en parlant de choses et autres, nous remontâmes en selle et reprîmes notre chemin, tout guillerets, au rythme de la bufflonne. En chemin, je m’aperçus que ma femme devenait de plus en plus jolie, et quand nous arrivâmes ni  la maison, elle était belle ni  damner un saint.

Ma mère sortit pour nous accueillir et moi, je c’aironnai, tout fier :

- Voilí  l’épouse que me suis trouvé !

Elle la regarda sans piper mot. La mariée s’installa ni  côté du poêle et la bufflonne sur le pas de la porte où elle se mit ni  ruminer tranquillement. Et n’a pas bougé depuis.

Une semaine plus tard arrivèrent douze chariots de dot et un grand troupeau de bufflonnes. Ma mère hocha joyeusement la tête.

- Alors lí , ça va mieux…

Et ce fut tout… Nous eûmes trois garçons et vécûmes heureux jusqulí  un grand âge. Et voilí , j’ai trouvé moyen de vous raconter comment je me suis dégoté une épouse.